Licenciement et liberté d’expression

Cassation Sociale 9 novembre 2022, n° 21-15.208 F-D

Le refus d’un salarié d’adhérer à la culture de l’apéro « fun & pro » de l’entreprise participe-t-il de la liberté d’expression et d’opinion du salarié et peut-il être un motif de rupture du contrat de travail ?

Rappel : le licenciement prononcé en violation de la liberté d’expression est atteint de nullité, peu important la teneur des autres motifs invoqués (Cassation sociale, 29 juin 2022, n° 20-16.060 B).

Contexte : un salarié occupant le poste de Directeur d’un cabinet de conseil a été licencié pour insuffisance professionnelle. La lettre de licenciement faisait état, parmi d’autres motifs, du refus du salarié d’accepter la politique de l’entreprise et de se conformer aux modalités de fonctionnement basées sur le partage des valeurs « fun & pro ». Cette politique d’entreprise se traduisait « par la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive de tous les participants, encouragée par les associés qui mettaient à disposition de très grandes quantités d’alcool (…) et par des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages ».

Selon la Cour d’appel, s’il ne pouvait être reproché au salarié son refus d’adhérer à la politique de l’entreprise, les reproches qui étaient fait par ailleurs au salarié dans la lettre de licenciement visant « sa rigidité, son manque d’écoute, son ton parfois cassant et démotivant… » constituaient des critiques sur son comportement et non des remises en cause de ses opinions personnelles et n’étaient donc pas constitutifs d’une violation de sa liberté d’expression.

La Cour de cassation censure ce raisonnement dans la mesure où – quelques soient les reproches fait par ailleurs au salarié – le licenciement était en partie fondé sur le refus du salarié d’adhérer à la politique de l’entreprise et de se conformer à ses modalités de fonctionnement, ce qui participe de sa liberté d’expression et d’opinion. La Cour de cassation rappelle ainsi que le licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

Attention à la rédaction de la lettre de licenciement et aux motifs invoqués !